La femme la plus riche du Yorkshire by Fouad Laroui

La femme la plus riche du Yorkshire by Fouad Laroui

Auteur:Fouad Laroui [Laroui, Fouad]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Poster, Littérature Marocaine, Littérature Néerlandaise
Éditeur: Julliard
Publié: 2008-01-12T23:00:00+00:00


Le samedi suivant, décidé à poursuivre son étude, Adam se rend à la boutique de luxe de Corry – elle l’a invité à venir la visiter. Il a gominé ses cheveux, s’est rasé jusqu’à la quatrième peau, a mis sa plus belle veste. Ce qui n’empêche pas la Hideuse d’accueillir le jeune homme par une moue méprisante :

— Pour un Français (décidément !), tu n’as aucun goût. Qu’est-ce que c’est que ces fringues ? Et ces chaussures de chemineau – tu les as volées à un clochard ? Et cette cravate mal nouée ? Et qui pendouille ?

Adam a horreur qu’on lui dise qu’il n’a aucun goût.

Et surtout quand ça vient de quelqu’un qui trouvait La Baguette « authentique » ! Fille d’épiciers ! Rebut de jongleur ! Crumpet de gourou ! Du coup, il oublie sa posture (son imposture) d’ethnologue et il se lance, funeste erreur, dans une discussion avec la Cruelle.

— Écoutez, Cordelia, je ne veux pas vous désobliger, surtout pas ici (geste), au milieu de tous ces oripeaux plus beaux les uns que les autres, dont j’espère que vous allez tous les vendre avec une belle marge ; mais, moi, je n’ai aucun atome crochu avec la mode, le soi-disant bon goût, les catwalks, les top models, l’anorexie, tout ça. Pour parler franchement, je m’en fous (I don’t give a damn – il cite la dernière réplique d’Autant en emporte le vent).

Elle sursaute, sa mâchoire tombe, ses yeux virent au glauque. Qu’est-ce que c’est que ce gueux ?

Le gueux continue :

— Vous savez, du temps où j’habitais à Paris…

— Paris is nothing.

— Du temps où j’habitais à Paris, j’avais participé à la création d’un Institut pour la désharmonisation économique…

— What ? C’est quoi, ça ?

— Allons, ce n’est qu’un nom. Bref, nous étions quelques Hurons, joyeux lurons, élèves de la même école d’ingénieurs, à constituer ce groupe qui s’était immédiatement autodissous après le succès de sa première (et dernière) opération commando.

— Mais de quoi parles-tu ? What are you talking about ? Je n’y comprends rien.

— Eh bien, on s’est introduits dans des magasins de luxe et on a disposé çà et là, sur les étagères, des produits trouvés dans des poubelles, nettoyés et dûment pourvus d’une étiquette. Réussite totale : les clients et les employés n’y ont vu que du feu… Cette année-là, on a acheté du rebut boulevard Haussmann et du détritus avenue Montaigne…

— Avenue Montaigne is nothing.

— … des hardes ont trouvé preneur (c’est peut-être vous qui les avez acquises, n’ajouta-t-il pas) et des chiffons, pigeon. On s’est rué sur des petits riens qui coûtaient la peau des reins. Vive la société de consommation (et bon appétit, Corry (in petto)) ! J’en ai tiré quelques leçons, ça me fait une règle de vie, même ici dans le Yorkshire… Ne pas se laisser éblouir par le clinquant des magasins (c’est une question de watts), ni se faire aguicher par le sourire des vendeuses. Elles sont payées pour ça et elles souriraient de la même façon si elles vendaient de la bouillie aux chats de gouttière.



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